Profitons de la Journée Internationale des Femmes et Filles de Science pour mettre en avant trois chercheuses de l’institut à travers une interview croisée sur le thème des sciences et des femmes !

Les docteurs Estelle Menu, Léa Luciani et Sophie Baron ont eu la gentillesse de répondre à nos questions et nous les remercions.

Découvrez en quoi c’est important de compter les femmes dans les sciences et pourquoi la parité est toujours une richesse, dans tous les domaines.

>> Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos recherches ?


Estelle Menu : Mon parcours combine activité hospitalière et activité de recherche. Je suis biologiste médicale et ai découvert l’univers de la recherche durant mon internat. D’abord concentrée sur les parasitoses digestives qui ont fait l’objet de mon Master 2, je me suis ensuite intéressée à la mycologie médicale. Ma thèse d’université a ainsi porté sur l’amélioration des performances du diagnostic des infections fongiques invasives, thématique que je poursuis aujourd’hui.

Léa Luciani : Je suis biologiste médicale de formation. Dès mon internat, j’ai envisagé une carrière dans le secteur public, par conviction, et plus particulièrement une carrière hospitalo-universitaire afin de diversifier ma vie professionnelle. Très rapidement, j’ai identifié la microbiologie comme mon domaine d’intérêt principal. Bien que polyvalente et curieuse de nombreux sujets, je me suis finalement spécialisée en virologie, plus spécifiquement dans l’étude des zoonoses et des arboviroses émergentes. Plus récemment, face à l’urgence climatique croissante, y compris dans le domaine professionnel, j’ai décidé d’élargir mes efforts de recherche vers la transition écologique en santé. Je pars presque de zéro, mais c’est précisément ce qui me motive.

Sophie Baron : J’ai effectué des études de pharmacie, puis j’ai réalisé un double cursus (master 2 et thèse d’université) pendant mon internat de biologie médicale. Ma thèse portait sur la résistance à la colistine chez les bactéries à Gram négatif. Aujourd’hui, je travaille sur l’étude des facteurs favorisant la dissémination de la résistance aux antibiotiques et j’étudie les caractéristiques des clones bactériens.

 

>> Comment vous est venu cet intérêt pour la recherche médicale ?


EM : La recherche est un univers stimulant. C’est la curiosité qui m’a conduit vers cet univers. On m’a proposé un Master 2 et je me suis lancée. En débutant les premières manipulations, et en découvrant la diversité des sujets, des outils disponibles, les rencontres et les échanges passionnants autour de la recherche médicale, j’ai très vite été conquise.

LL : Grâce aux autres. Depuis toujours, j’ai un penchant naturel pour l’expérimentation, l’exploration et la compétition. Cependant, mon intérêt pour la recherche s’est réellement affirmé lors de mon intégration dans une unité mixte de recherche. J’y ai eu l’opportunité d’échanger avec des chercheurs de tous horizons, issus de diverses formations et générations. Dans une ambiance de travail saine, j’ai découvert le véritable sens de la recherche : un processus progressif, parfois long, qui évolue parallèlement à notre propre développement, et qui peut connaître des périodes d’attente avant de s’accélérer grâce à une avancée décisive ou un coup de chance. Ce processus aboutit alors à une valorisation du travail et à une contribution utile à la communauté médicale, et plus largement à la société. C’est ce côté inattendu et non linéaire qui me plaît, car il contraste avec le caractère routinier de mon activité hospitalière. Cependant, cela peut aussi être éprouvant, voire décourageant, surtout en raison du manque récurrent de moyens. C’est pourquoi, à mon sens, il est essentiel d’évoluer au sein d’une communauté de chercheurs solidaires.

SB : Dès l’enfance, j’aimai observer et apprendre, je voulais être zoologiste. Avec le temps, je me suis tournée vers la pharmacie, avec la volonté de devenir biologiste médicale. La recherche s’est imposée naturellement, et choisir la microbiologie, c’était un peu un retour à mon rêve d’enfant !

 

>>  S’il y en a, quels sont les modèles féminins qui vous ont inspiré et qui vous inspirent encore aujourd’hui ?


EM : Emmanuelle Charpentier est une chercheuse de renom, pionnière dans le domaine de la biotechnologie, notamment pour sa découverte du système CRISPR-Cas9, une révolution dans l’édition génétique. Ce qui la rend particulièrement inspirante, c’est son audace scientifique et sa capacité à remettre en question les conventions établies. Son parcours démontre qu’avec persévérance et innovation, une femme peut marquer l’histoire de la science. Elle incarne la réussite dans un domaine encore largement dominé par les hommes, inspirant ainsi de nombreuses jeunes femmes à poursuivre des carrières scientifiques.

LL : La vie et la carrière de Katia Krafft m’ont toujours fascinée. Avec son mari Maurice Krafft, tous deux passionnés par les volcans, ils ont pleinement consacré leur existence (et leur mort) à leur travail-passion. En plus de leurs contributions majeures à la volcanologie, ils ont ensuite œuvré pour sensibiliser et former les populations vivant en zone à risque, afin de les aider à anticiper les dangers et les conséquences des éruptions volcaniques.

SB : Je vais citer sans grande originalité Marie Curie et sa fille Irène. Ce sont les seules femmes scientifiques que je connaissais ou qui m’ont marquée avant d’entamer mes études. Aujourd’hui, j’admire le travail de Laura Piddock, Kat Holt ou Alessandra Carattoli, qui ont fait et font avancer la recherche sur la résistance aux antibiotiques.

 

>> Selon vous, les femmes chercheuses sont-elles aujourd’hui suffisamment représentées dans votre domaine ?


EM : Les femmes chercheuses commencent à être de plus en plus présentes. Cependant, ben qu’elles aient réalisé des découvertes majeures dans le domaine de la recherche médicale, comme dans d’autres branches des sciences, les femmes dans ces spécialités font souvent face à des défis liés à la reconnaissance, la visibilité et l’accès aux postes de direction. Mais cela évolue.

LL : Les postes clés (PU-PH, directeurs d’unité) sont encore majoritairement occupés par des hommes, souvent en fin de carrière, qui ont accédé à ces positions à une époque où la parité dans la société était loin d’être aussi avancée qu’aujourd’hui. Cependant, parmi les chercheurs des générations suivantes, je constate dans mon environnement proche une parité bien plus marquée, ainsi qu’une féminisation croissante de la population étudiante en santé. On peut donc espérer une parité du domaine lors des prochains changements générationnels.

SB : Non, et les contraintes de la carrière hospitalo-universitaire restent un frein. Les femmes doivent souvent jongler entre vie professionnelle et personnelle, ce qui peut freiner certaines vocations.

 

>> Que diriez-vous à toutes celles qui n’osent pas se lancer ?


EM : Lancez-vous ! Les femmes ont leur place dans la science. Les initiatives visant à encourager et à soutenir les carrières féminines dans la recherche sont en croissance. Avec beaucoup de motivation, de curiosité et de persévérance, tout est possible.

LL : La recherche médicale, ainsi que la recherche en général, a grandement contribué à l’évolution de notre espèce, pour le meilleur comme pour le pire. Nous avons besoin de chercheurs et de chercheuses animés par une volonté pacifiste dans une multitude de domaines, notamment dans le secteur de la santé. Cependant, il est important de garder à l’esprit qu’il existe un manque global de postes permanents et que seuls les profils les plus remarquables parviennent à être sélectionnés. À mon sens, pour réussir et s’épanouir en tant que chercheur, il faut réunir quatre qualités essentielles : savoir se poser des questions, avoir des idées pour y répondre, savoir collaborer et être mobile. Si tu te reconnais dans ces critères, alors fonce !

SB : Osez ! Comment savoir si la recherche est faite pour vous sans essayer ? L’année de master 2 est une excellente opportunité pour découvrir cet univers avant de s’engager plus loin.

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